La photo ci-dessus a été prise lors d’une manifestation qui a eu lieu le mois dernier, février 2022, dans un village appelé Katala, situé entre la zone annexe et la zone de conservation du Parc National d’Upemba.
Nous sommes tous familiers à des conflits entre voisins, tribus, pays et plus encore, mais avez-vous déjà entendu parler du conflit Homme-Éléphant (CHE)? Dans le domaine de la conservation, CHE est l’un des conflits les plus courants ; familier avec ce conflit ou pas, je vous conseille de continuer la lecture car nous avons une histoire intéressante pour vous !
Dans les terres où les hommes cohabitent avec la faune sauvage, différents types de conflits peuvent survenir. Le conflit homme-faune, étant l’un d’entre eux, est un problème de conservation continu qui semble augmenter dans les endroits où les aires de répartition de la faune chevauchent l’habitation humaine, et dans ce cas, la cohabitation des éléphants et des humains, créant le conflit homme-éléphant (CHE).
Le résultat le plus courant dans une telle situation est une bataille pour l’espace, la nourriture, l’eau et plus encore, créant un combat entre les deux partis. Les éléphants sont connus pour leur bonne mémoire et lorsqu’un éléphant a assisté à des menaces ou toute forme de violence faite à un des leurs par des hommes, nous devenons automatiquement leurs ennemis, et une guerre sans fin est menée, rendant la vie très difficile.
Bien que les causes d’un CHE puissent affectées par différents facteurs, dans le Parc National d’Upemba, notre équipe de biosurveillance, après quelques études et observation de la situation, a identifié que la cause principale du conflit est la présence des cultures de Manioc et de riz, qui font partie des nourritures préférées des éléphants, et malheureusement, les plus cultivées dans ces zones (les localités le long des rives du lac Upemba).
L’éléphant d’Afrique, également appelé Loxodonta Africana, le plus grand animal terrestre vivant, peut manger jusqu’à 450 kg de nourriture, et un troupeau d’éléphants peut donc détruire une année entière de dur labeur en une seule visite. Il n’est donc pas surprenant que les éléphants soient considérés comme l’une des espèces les plus dangereuses pour les cultures vivrières, ce qui entraîne probablement une diminution de leur tolérance dans les communautés rurales.
Ce conflit est l’un des principaux obstacles à la conservation durable des éléphants dans le parc national d’Upemba. Il affecte les efforts de conservation déjà entrepris en faveur de ces mammifères, dont la fréquence et la densité ne cessent d’augmenter et pourraient attirer les touristes.
Il est important de noter que le Parc National d’Upemba, l’un des plus anciens Parcs Nationaux de la République Démocratique du Congo et d’Afrique, comptait autrefois des milliers d’éléphants. Malheureusement, la faune a été considérablement réduite en raison du braconnage intensif pour l’ivoire et la viande de brousse qui n’ont pas été contrôlés, dans un environnement d’instabilité, avec une protection de conservation limitée et incohérente, et la croissance des populations riveraines dans cette zone protégée a également accru le besoin d’exploitation, du braconnage, réduisant la population d’éléphants à un peu plus de 100 en 2017, répartis sur différents sites du parc.
Depuis le commencement de notre partenariat avec l’ICCN (l’Institut congolais pour la conservation de la nature) en 2017 pour la gestion, la réhabilitation et le développement du parc Upemba, la Fondation Forgotten Parks a été en mesure de promouvoir la croissance de ces mammifères, un travail avec des résultats très positifs, car nous pouvons compter environ 200 éléphants ou plus en ce moment, et nos écogardes ont également travaillé dur pour les regrouper en plus grands troupeaux pour les permettre d’être mieux encadrés et protégés à l’ intérieur du parc. Nous continuons à travailler dur pour protéger l’espèce malgré les défis rencontrés sur le chemin, CHE étant l’un d’entre eux.
De ce conflit entre les communautés et les éléphants découle un autre conflit entre les populations locales et les gestionnaires des aires protégées. Ceci est fréquent autour d’un parc national, dû à un manque de participation des communautés locales dans la gestion des aires protégées et, parfois, à de mauvaises relations entre les populations locales et les gestionnaires des aires protégées. De ce fait, les populations locales ont souvent une attitude hostile vis-à-vis des autorités chargées de la protection de la faune et, plus largement, par rapport au concept d’aires protégées. Une grande partie de notre travail consiste à soutenir les communautés, mais malheureusement, le manque de ressources et l’étendu du parc ne nous permettent pas de pouvoir résoudre tous les problèmes à la fois, et limitent le travail que nous pouvons accomplir en un espace réduit de temps. Cependant, nous nous engageons à changer les mentalités autour de la gestion du parc national d’Upemba, et le partenariat avec les communautés est l’une de nos priorités.
La réhabilitation du parc contribuera non seulement à sauver la planète, mais aussi à apporter aux communautés riveraines du parc Upemba des nouveaux revenus durable et une vie meilleure en général, comme nous le faisons déjà à Mabwe, aux rives du lac Upemba.
Lors de notre visite dans le parc Upemba le mois dernier, février 2022, sur notre passage dans l’un des villages touchés par ce CHE, nous avons rencontré une situation inquiétante, lorsqu’une grande foule de villageois avec des bâtons dans les mains ont encerclé la maison dans laquelle nous étions hébergés pour la nuit, tout en scandant et en exprimant violemment leur mécontentent de manière plutôt menaçante.
La violence n’est pas nécessaire car nous sommes tous du même côté et nous devons travailler ensemble. Nous sommes reconnaissants car nos écogardes armés de l’ICCN, bien que menacés, sont restés extrêmement calmes, écoutant les plaintes et ne montrant aucun signe de violence, permettant ainsi de calmer la situation. Si nous pouvons résoudre un problème avec des mots, nous devrions faire de notre mieux pour ne pas utiliser la violence. Répondre par la violence aurait pu très rapidement entraîner une escalade négative de la situation.
Comme mentionné, le CHE crée une hostilité des communautés riveraines envers les gestionnaires du parc et les gardes. Pour ne pas trop s’enfoncer dans les détails de cette situation, nos chefs d’équipes, après de longues heures de discussion avec le chef de la communauté et d’autres membres clés, ont conclu comment nous pourrions aborder la situation CHE ensemble en partenariat, car nous travaillons pour réhabiliter et sauver la nature, mais aussi pour le développement durable des communautés. Et Pour ce, sans nos communautés, nous ne pouvons pas avancer.
Nous avons ensuite parcouru quelques kilomètres pour tenir compte des dégâts causés par les éléphants. A notre surprise, nous avons réalisé que les dommages causés n’étaient pas majeurs, et qu’il y avait plus de peur que de dégâts réels dans cette situation spécifique.
La présence d’éléphants a créé de la peur, du stress, de l’inquiétude, et la situation est devenue plus psychologique que physique.
Nos écogardes ont donc pris le temps de refouler les éléphants loin des villages, et une équipe était placée dans les alentours pour surveiller le mouvement des éléphants et empêcher qu’une autre attaque ne se produise, et ainsi s’assurer du calme de la population.
Cette solution n’est qu’un petit moyen temporaire pour atténuer le problème rencontré, mais nous continuons à travailler dur pour créer une relation plus profonde et plus étroite avec les communautés pour arriver à collaborer et trouver de meilleures solutions qui peuvent atténuer le conflit.
Heureusement, dans les mois à venir, nous aurons des experts sur terrain pour nous assister, ainsi que les communautés à mieux comprendre le comportement des éléphants. Nous visons donc à former une équipe afin de préparer des informations préliminaires sur l’emplacement des différents troupeaux d’éléphants dans le parc pour guider et animer une équipe de chercheurs sur la question. Nous allons trouver des solutions personnalisées au conflit que nous pourrons ensuite mettre en œuvre.
Il est très important que nous soyons transparents sur le travail intense que nous effectuons dans le Parc National d’Upemba, et en partageant ces informations, nous tenons à vous faire participer au processus de réhabilitation.
Ensemble, nous pouvons sauver le Parc National d’Upemba et créer ce qui était autrefois l’une des zones de biodiversité les plus riches du pays, tout en répondant aux besoins sociaux et économiques des communautés locales et en faisant de notre travail un modèle de développement durable et de cohabitation pacifique entre les communautés et la conservation dans le République Démocratique du Congo.
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